demande une audience [PV Corail Naëlian]

Le crépuscule teintait le ciel de couleur rougeoyantes qui donnait aux bâtiments des allures chaleureuses et réconfortante. Seliena avait marché sans interruption depuis la rivière où elle avait laissé Tsön. Elle devait voir la Princesse Corail pour lui dire que le travail avait été parfaitement exécuté, net et sans bavure.

Arrivée devant les portes en bois massifs du palais, Seliena demeura un instant subjugué par la beuté des lieux: partout, des vignes et des rosiers s'entremêlaient autour des murs, et dès que la brise légère du soir soufflait, les feuilles s'agitaient en tout sens provoquant une douce mélodie qui calmait les nerfs les plus tendus et rassurait les gens les plus mal à l'aise.

La femme-louve emplit ses poumons du parfum capiteux des roses et reprit son chemin. Elle traversa les portes grandes ouvertes et arriva dans une cour immense avec un sol en mosaïque et une piscine décorative au milieu. On ne pouvait pas apeller ce lieu car encore ici, la végétation était maîtresse des lieux. Seliena longea la cour et se dirigea vers les appartements Royaux. A chaque porte, un garde ou deux se tenaient droits comme des piquets et saluaient chaque passant avec courtoisie ou respect? Des pages, serviteurs ou servantes se baladaient dans les couloirs, couraient ou vaquaient à leurs occpations.

Arrivé devant la porte qui s'ouvrait sur l'aile gauche du palais où se trouvaient les appartements royaux, Seliena demanda au serviteur qui était devant la porte s'il était possible de voir Coral Naëlian en audience privée, de la part de Seliena Domuël.

Le serviteur acquieça et se glissa entre les portes. Seliena s'appuya alors contre un mur et attendit patiemment le retour du serviteur.

Corail était étendue sur un canapé moelleux et entourée de tout un tas de fleurs sauvages qui poussaient un peu partout. Elle était plongée dans la lecture d'un conte pour enfants. Quelques unes de ses soeurs, occupées à des lectures plus nobles, la taquinaient.

"Allons Corail, pose ce livre et adonne-toi à la broderie ! C'est plus utile que ces histoires d'enfants !"

"Fais donc du dessin !"

"Du piano !"

"Et pourquoi ne lirais-tu pas ce livre-ci ? Il a l'air très intéressant..."

"Et pourquoi ne cesseriez-vous pas de m'importuner ? Mes lectures sont tout ce qu'il y a de plus honorable !"

Vexée, Corail jeta son livre sur une table proche et soupira. Elle repensait à cet homme (d'une vingtaine d'année donnnc) qui allait mourir. Elle n'était plus si sûre de le vouloir...Mais la flaireuse connaissait son affaire, il était trop tard maintenant. Trop tard pour reculer.

Un valet entra doucement.

"Princesses, une audience privée fait l'objet d'une requête à la Princesse Corail."

"Pardon ? Une audience ?" demanda une des soeurs.

"Qui me demande ?" la coupa Corail.

"P..princesse...une certaine dame qui dit s..s'appeler...s'appeler"

"S'appeler comment à la fin !!!" s'énerva-t-elle.

"Aneiles, p...princesse."

*Aneiles ? Je ne connais pas ce nom...*
Corail hocha la tête d'un air assuré et se leva dignement, consciente d'être l'objet de tous les regards.

Elle suivit le laquais qui la conduisit dans la salle d'audience. Corail aimait bien cette salle, elle avait l'habitude lorsqu'elle était enfant de s'y cacher et d'écouter les audiences privées. Elle ne comprenait rien à ce qui était dit bien sûr, mais elle avait le sentiment de détenir des secrets incroyables.

Un siège trônait au fond de la pièce, et au dessus de larges ouvertures laissaient passer un rayon de lumière qui venait frapper le dallage en damier. Quelques fauteuils traînaient par-ci par-là, et de nombreux bancs étaient posés un peu partout.
Des voilages légers devant les ouvertures flottaient dans la brise et jouaient avec la lumière du soir.

Corail pris place sur le siège du fond, puis fit un signe impatient de la main au valet qui partit précipitament.

Au bout d'un moment, elle vit une silhouette s'avancer avec détermination vers elle.
Corail reconnu la démarche.

*Seliena...*

Seliena n'eu pas beaucoup à attendre le valet qui l'emmena dans la Salle d'audience. Cette salle était immense et très éclairée, tout autour, des balcons la surplombait réservé aux habitants de la cité, conviés aux réunions.

Seliena s'approcha du grand siège sur lequel était assise Corail Naëlian, s'inclina bien bas et sur un ordre de la Princesse, se releva. Elle entra immédiatement dans le vif du sujet:

"Princesse, l'homme est mort, il s'est très bien battu... Vous aviez raison, il était vif et très dur à trouver."

La flaireuse tripota son anneau accroché à l'oreille gauche puis continua, devenant soudain plus sombre:

"Mais j'ai aussi découvert qu'il avait le pouvoir de contrôler les illusions, et cela n'a pas rendu la tâche aisée. Etes-vous satisfaite Princesse?"

A l'annonce de sa mort, Corail se troubla. Elle avait du mal à croire que l'homme était bel et bien supprimé.

Lorsque Seliena évoqua son pouvoir, elle ne put retenir un frisson. Un sanglot silencieux, un souvenir, traversa tout son corps et la fit tressaillir. (hm je me lance dans les rimes ?)

Corail n'avait même pas prêté attention à la question de la jeune fille. Un voile trouble apparut devant ses yeux, et ses lèvres murmurèrent quelques mots inaudibles.
Elle plongea sa tête dans ses mains et resta ainsi un long moment. Elle fut reconnaissante à Seliena de ne pas l'avoir interrompue.

Lorsque enfin elle releva la tête, ses yeux étaient rouges. Son teint soudain livide s'alliait avec la lumière déclinante de la fin du jour pour faire régner une ambiance lugubre.

*Il ne méritait que ça. Avec tout ce qu'il t'a fait faire...Tout ce que tu as du subir...en toute confiance...
Il aurait recommencé, encore et encore ! Jusqu'à épuiser complètement tes espoirs ! Jusqu'à ruiner le réel et le rêve, jusqu'à te plonger la tête sous la surface du cauchemar ! Te faire rêver la mort jusqu'à ce que tu la vives !
Mais peut-être la réaction était-elle trop vive ?
La plaie qu'il a creusée dans ton âme est plus vaste et plus profonde que n'auraient pu l'être les gouffres sans fin des enfers. Les griffes qui t'ont ouvert le coeur étaient plus aiguisées que la plus tranchante des lames.
Ses yeux...ses yeux enfin...
Ses yeux t'ont fait voir des choses abominablement belles, des choses merveilleusement horribles...Des choses dont la splendeur égalait bien celle des plus calmes lacs, dont la grandeur était bien supérieure aux sommets les plus élevés. Des choses, enfin ! des choses si belles qu'elles en étaient atroces, atroces de beauté...Et qui rendaient ton coeur aussi fou et avide que le sien, si noir...
Va retrouver les démons des abîmes, ton âme pérît, et mon coeur s'anime.*

Ses yeux restèrent fixés sur Seliena, mais elle la regardait sans la voir, et sans rien dire.

Seliena était triste. Terriblement triste. La vue de Corail sanglotant doucement, sans bruit, sur son fauteuil la rendait malade... Malade de honte à la simple idée d'avoir tué un homme qui maintenant même après avoir rejoint les ténêbres continuait de meurtrir douloureusement le coeur de son amie. Seliena le sentait et souffrait elle aussi.

Elle attendit patiemment devant Corail, évitant de la regarder, ne voulant surtout pas croiser son visage aux yeux rouges et gonflés. Depuis la mort de l'Ermite, Seliena s'était fait la promesse de ne plus jamais voire un être cher souffrir; ors, Corail était devenue petit à petit une personne chère à son coeur...

Quand Corail releva la tête, Seliena chercha ses mots, bafouilla maladroitement des mots de réconforts mal placés dans une telle situation. Elle demanda enfin doucement à la Princesse d'une voix qu'elle souhaitait ferme mais qu'elle ne pu empêcher de chevroter:

"Corail...Je suis sincèrement désolée... Si je peux faire n'importe quoi pour toi, je le ferais. Veux-tu que je te laisse?, que j'appelle quelqu'un?, as-tu besoin de quelque chose en particulier?"

Puis, calmement, Seliena sortit un mouchoir et le tendit à la Princesse, qui le saisit vivement. La flaireuse attendit calmement qu'elle eu fini et s'appretta à écouter les réponses de Corail.

Corail secoua la tête comme pour chasser ses idés noires, et fit un petit sourire d'excuse à Seliena.

"Pardonne-moi...Le pouvoir de cet homme était très grand et très..."

Un long silence passa. Le lai de lumière scintillante disparu soudainement, plongeant la pièce dans l'ombre.

"Très dangereux."

Corail se leva de son siège et sortit une petite bourse de toile du fouilli de ses manches. La clarté de la Lune commençait à poindre et formait une auréole pâle autour de sa tête. Le visage de Seliena était éclairé de la vague lueur laiteuse.

Corail lui tendit la bourse d'une main encore tremblante de souvenirs.

Seliena regarda Corail tendre la main vers elle pour lui donner la bourse. La flaireuse ne comprit pas tout de suite que cet argent était pour elle et quand elle s'en rendit enfin compte elle équarquilla ses grands yeux s'offusqua:

"Je n'ai en aucun cas fais ce travail pour de l'argent, je l'ai fais car j'epprouvait une réelle sympahie pour vous. Je ne désire nullement être payée surtout pour un acte qui, même si il a été utile vous a fait souffrir..."

La flaireuse regarda longuement par la fenêtre d'où elle pouvait aprcevoir un panorama de la cité de Citrazelle. Elle se tordit les mains puis reporta son attention sur Corail qui tendait toujours la bourse d'une main tremblante. Seliena s'avança vers elle et d'une voix douce lui murmura:

"Corail... Cet argent ne m'interresse pas...Corail, s'il y a quelque chose que je puis-je faire pour vous dites-le moi. J'aimerais vraiment vous aider d'une quelconque manière que se soit..."

Puis criant presque, Seliena demanda à la Princesse: "Je refuse de vous laisser dépérir ainsi ! Vous souffrez, c'est evident ! Dites-moi ce que je peux faire pour vous !?"

Corail renifla et eut un petit rire de dérision. Elle essuya ses yeux d'un revers de manche et posa la bourse près d'elle sur le sol.

"Bien..."

Elle plongea ses yeux dans ceux de Seliena.

"Cet homme m'a manipulée autrefois. Je te remercie de l'avoir supprimé. Il a joué avec mon esprit."

Puis, après un silence, elle ajouta :

"Je tenais à ce que cela ne se reproduise plus.
Tu proposes ton aide, mais c'est en le tuant que tu m'as le plus aidée. Je te remercie profondément."

Elle esquissa un sourire.

"Je vais aller dans ma chambre. Je crois que j'ai besoin de repos."

Corail se leva et se tint debout devant Seliena. Elle prit ses mains dans les siennes et la regarda longuement.

"Merci" murmura-t-elle.

Elle s'éloigna et disparu derrière le pan d'un rideau, sans bruit.

La bourse gisait toujours sur le dallage froid, éclairée par un faible faisceau lunaire.

Seliena regarda la princesse s'en aller s'en rien dire... Elle sentit ses yeux s'emplir doucement de larmes mais ne fit rien pour les empêcher de tomber en flots continu sur les dalles fraiche, éclairées par les rayons de la lune. Et Seliena pleurait, pleurait, pleurait son père adoptif, la douleur de son amie, pleurait la douleur lancinante qu'est la tristesse pour les loups-garou et peu à peu s'effondrait sur le carelage...

Quand elle eu vidé toute l'eau salée de ses yeux, elle renifla bruyamment, s'essuya les yeux de sa manche et se releva. Elle allait partir quand son regard tomba sur la bourse posé à terre.

*Je pensais toujours que si je faisais ce métier c'était pour le bien de la cité... Je le faisais aussi pour l'argent... Ces petites pièces sont ignobles. Elles sonnent joliment à l'oreille des cupides, des avares ou des riches, sonnent douloureusement à l'oreille des pauvres. Et pour moi, elles ne sonnent pas, maintenant je n'ai que faire de cet argent.*

Seliena se pencha pour prendre la petite bourse de cuir et la fourra dans sa poche. Puis elle pris son élan et courru vers la fenêtre grande ouverte et se jeta dans le vide. Elle voltigea ainsi jusque devant un mendiant qui faillit avoir une crise cardiaque en la voyant tomber majestueusement devant lui. La flaireuse sortit la bourse, regarda l'homme dans les yeux et posa l'argent dans ses mains sales.

Puis elle s'en alla en direction de la forêt pour se vider un peu les esprits...